CE MONDE WARHOL QUI EST DEVENU LE NÔTRE
«Acheter est plus américain que penser".
Si il y a une phrase que l'on entend souvent c'est bien la suivante: La littérature nous permet de réfléchir sur le monde. Tout le monde en conviendra. Mais pourquoi ne pense-t-on toujours qu'au seul roman littéraire comme ayant la capacité d'aiguiser notre compréhension du monde? Et ce dans un 21 unième siècle ou la culture de l'image et de l'instantanéité triomphe partout.
À travers l'histoire de l'art ce ne sont pas les leçons de plusieurs individus majeurs qui manquent et qui permettraient de mieux éclairer notre époque. Pour un le cas de l'artiste Andy Warhol est exemplaire. Aucun autre artiste n'a en effet prédit avec autant de justesse le monde culturel dans lequel nous baignons.
À travers Warhol de nombreux aspects du monde contemporain sont présents voire décuplés. À commencer par celui du marketing. Tout au long de sa carrière cet artiste gai dandy n'a jamais fait semblant de ne pas être intéressé par la chose. Il disait un jour sous forme de boutade qu'il ne comprenait pas comment certains avait pu le considérer artiste underground dans les années 1960 puisque tout ce qu'il avait toujours voulu c'était se faire remarquer. Des artistes ils disaient qu'il était important pour eux de se trouver une bonne gallerie afin que la classe dirigeante les remarque tout en ajoutant que si votre promotion n'était pas faite de la bonne manière on n'allait pas se rappeler de vous. Faut croire que la leçon a été fort bien apprise voire même peu être un peu trop. Pensons à la promotion qui a été faite lors du lancement des albums de Caroline Néron ou de Garou ou encore du livre de Dominique Michel. Sursaturation dites-vous? Et que dire de cette célèbre prédiction de Warhol faite en 1968 selon laquelle à l'avenir tout le monde serait «world famous for 15 minutes. Aujourd'hui le triomphe de YOU TUBE avec ses dizaines de milliers de vidéos téléchargés chaque jour de par le monde est la prophétie de Warhol devenue réalité.
L'analyse de ses fréquentations passées est aussi fort éclairante. Dans les années 60 les artistes et marginaux étaient légion dans l'entourage de la Factory. De même que les drag queens. Puis par la suite quand il s'est mis à exécuter ses portraits de stars ou de grand financiers un pan de la gauche y a vu là une forme de trahison. À quelqu'un qui lui demanda alors ce qu'il faisait puisqu'il ne peignait plus et ne faisait plus de films il répondit qu'il ne faisait qu'aller à des partys. Un peu comme Kim Kardashian aujourd'hui en quelque sorte. À un autre encore il répondit qu'il n'avait pas cesser de peindre puisqu'il se peignait les ongles chaque jour...
Côté cash il disait que faire de l'argent est le plus fascinant des arts ajoutant que s'il avait commencé comme artiste de l'art il s'était par la suite davantage intéressé à faire de l'argent. On ne sera guère surpris qu'à sa mort en 1987 sa fortune personnelle était évaluée à 600 millions. Mais il poussait aussi l'ironie plus loin. En entrevue il disait qu'il souhaitait de l'argent pour tout le monde puis dans une autre soutenait qu'il ne fallait pas que tout le monde en ait parce que sinon ça deviendrait trop compliqué et on ne saurait plus de qui être jaloux ou de qui dire du mal. Peut-on imaginer plus typique de notre époque? Répétons sous le mode du slogan infantile que les «riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent , mais courons ensuite lire le dernier magazine à potins pour savoir combien coutera la nouvelle «Mansion» de Beyonce.
La question du sexe chez lui est toute aussi fascinate. Warhol était convaincu que quatre choses font que l'on tombe en amour. Le visage, le corps, l'argent et la célébrité. Il affirmait alors que tout ce qui comptait était d'avoir une combinaison équivalente de ces éléments pour que cela puisse fonctionner en amour. Cependant s'il y avait trop d'écarts entre les divers éléments cela n'allait pas marcher. Mieux encore il soutenait que l'amour et l'absence de sexe était très bien ou inversement mais que l'amour et le sexe ensemble était à éviter. Une tendance qui en 2007 semble manifestement prendre de l'ampleur avec les «sexless couples», les fuck friends et autre variantes.
De Warhol l'ex editeur du magazine Interview (de 1970 à 1983) Bob Colacello disait qu'ils se disputaient souvent ensemble au sujet de la politique Warhol se situant plus à gauche de ce dernier. Aujourd'hui encore Colacello imagine une autre divergence: «Andy aurait adoré ce qui se passe aujourd'hui, bien que moi je ne sois pas fou de cela...Je suis certain qu'Andy aimerait avoir Paris Hilton en couverture du magazine Interview mais je le lui déconseillerais. Il y a quelque chose de qui ne va pas dans notre culture quand les petites filles admirent quelqu'un dont la seule prétention à la célébrité est d'avoir fait un film porno. Il y a trop de personnes célèbres aujourd'hui qui n'ont pas vraiment accompli quelque chose d'important. C'est devenu hors de contrôle.» Bof, on n'a qu'à mettre une fille ou un gars de Loft Story en couverture...
Un autre élément révélateur du cas Warhol est certes le choix de sujet pour ses oeuvres. Bien sur les plus connues sont celles des années 1960. Celles qui de par leurs thèmes valent aujourd'hui à Warhol sa reconnaisance critque. Les séries telles «Most Wanted Man» ou encore «Dead and Disasters». Plus tard il devait pousser cette ironie en illustrant la faucille et le marteau symbole du communisme alors sur le déclin. Mais la plus grande leçon est ce que disait Warhol à propos du cinéaste Emile de Antonio lequel voyait dans ses oeuvres (dont sa préférée intitulée «Black Electric Chair») un fort commentaire social. Et Warhol d'ajouter. «That's funny» .Dans son ouvrage sur le monde de l'art Tom Wolfe avait déja moqué cette attitude si propre à un certain milieu artistique d'affecter une soi-disante révolte pour ne mieux qu'être récupéré par la suite. Aujourd'hui l'ironie entourant cette démarche est désormais à son apogée.
En ce 21 unième siècle l'omniprésence d'une certaine «Warhol attitude» est partout. À travers les visages de Marilyn aux couleurs criardes sur les robes de designer, à travers une collection de jeans Levi's inspiré par lui, à travers le culte de la célébrité instantanée hors du star systéme traditionel, etc. Or, dans tout cela son influence majeure reste le changement de perception du rôle de l'artiste envers les médias de masse. La position romantique de retrait né du mythe de Van Gogh, l'artiste génial et incompris a aujourd'hui disparu. Disparu au point ou nous sommes même passée à un autre extrême le marché de l'art connaissant une flambée des prix sans précédent. Et Warhol n'est pas étranger à cela lui-même qui est devenu l'artiste dont les oeuvres sont les plus prisées après Picasso. En novembre dernier (2006) son cèlèbre Mao était acheté aux enchères par un multi-millionaire de Hong Kong pour la modique somme de 17, 4 millions. Vivrait -il encore aujourd'hui l'artiste aux célèbres perruques argentées aurait sans doute ajouté: Gee, that's great».
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